L’an dernier, notre professeur d’histoire Claire Charles nous a fait part d’un projet : celui de partir sur les traces de la déportation de la Seconde Guerre Mondiale, dans les lieux mêmes où l’horreur la plus extrême s’est vécue, jusqu’à Auschwitz. Cependant, il ne s’agissait pas d’une expérience personnelle, mais d’une expérience à partager. Pour ce faire, nous avons décidé de réaliser un reportage, étant pour la moitié des élèves en spécialité audiovisuelle. Nous étions beaucoup à être motivés, mais six seulement ont pu partir : ceux qui restaient nous ont aidés et accompagnés dans quelques visites.
Notre projet : un reportage vidéo
Finalement, les six élèves qui sont passés au travers de la lettre de motivation et la sélection ont, de réunion en réunion, affiné le projet pour préparer au mieux le reportage. Dans un premier temps, nous sommes partis au mémorial de la Shoah à Paris, où nous avons pu prendre conscience de l’antisémitisme prégnant de l’époque et de la barbarie nazie, ainsi que de la complicité et de la collaboration française.
Nous sommes ensuite allés à Drancy où l’atmosphère d’aujourd’hui est en complet décalage avec ce qui s’est passé il y a maintenant près de soixante-dix ans. Comme seuls indices de ce tragique événement, un monument et un wagon sont les derniers remparts contre l’oubli, avec un discret mémorial inauguré en 2012.
Avant de partir, visite des mémoriaux français
Ce mémorial a ainsi comme rôle de sensibiliser les habitants de ce lieu à son tragique passé. Nous comprenons mieux notre rôle de “passeurs de mémoire” face à l’urgence de l’oubli ou du déni. Plus près de notre lycée Jean-Paul II, se trouve le camp de transit et d’internement de Royallieu, à Compiègne. Nous avons donc visité le mémorial et commencé à prendre nous-mêmes des images, avec l’aide de Carine-Sophie Soncourt (de Sidonie Production), qui intervient dans notre lycée dans le cadre de l’enseignement audiovisuel.
Pour certains, nous n’avions encore jamais visité ce lieu devant lequel nous passons régulièrement. Plonger dans la détresse des déportés dans notre propre ville nous a profondément remis en question. Quelle place accordons-nous à la Mémoire ? Et même si cette page de l’Histoire nous a toujours interpellés, nous ne cessons de nous demander comment réellement prendre conscience du destin de chacun, si ce n’est en suivant leurs pas jusqu’à Auschwitz. Nous nous sommes également rendus sur la stèle du départ du dernier convoi pour Auschwitz… une stèle perdue dans la forêt sur des rails inutilisés depuis des lustres.
“Chaque pièce est imprégnée de la présence des déportés”
Le grand voyage s’est préparé petit à petit, et le 13 novembre 2019, nous nous sommes retrouvés pour partir à l’aéroport de Lille Lesquin à 3 h 30, pour un décollage à 7 heures. Avec nous partaient une centaine d’autres élèves aussi sélectionnés pour leur projet de rétribution de la mémoire. Une fois arrivés, nous sommes directement partis en direction d’Auschwitz I, premier camp de ce nom, construit dans un premier temps pour les prisonniers politiques et soldats soviétiques.
Les immenses bâtisses et l’atmosphère qui s’en dégageait avaient quelque chose de très impressionnant, ce qui était amplifié par les informations que notre guide nous donnaient au fur et à mesure. Munis d’un casque, la voix de celle-ci parvenait directement à nos oreilles, ce qui permettait de respecter le silence du lieu. Nous avons vu un maigre échantillon de ce que les nazis avaient volé aux déportés, et spécialement des Juifs dans le cadre de la spoliation.
Ce “maigre échantillon” représente en fait à nos yeux des quantités énormes, et voir des cheveux coupés, comme volés à des personnes dont l’identité a été niée et qui pourtant recèle leur ADN et qui ont souffert dans les lieux où nous étions était réellement quelque chose dépassant l’imaginable. Chaque pièce est imprégnée de la présence des déportés. Il est cependant regrettable que le temps ait été compté, puisque nous étions sans cesse pressés de changer de salle et de continuer plus en avant.
Du ghetto de Cracovie à Auschwitz-Birkenau
Nous avons aussi visité le ghetto de Cracovie, avec les restes de son mur en forme de pierre tombale juive, l’usine d’Oskar Schindler, la place où les Juifs se réunissaient (et où maintenant se dressent 65 chaises vides, en mémoire des 65 000 Juifs vivant à Cracovie avant la Seconde Guerre mondiale), une synagogue et un cimetière juif. Ce ghetto était vraiment petit et rapide à parcourir… Il est difficile de penser que 17 000 personnes aient habité dans un espace aussi restreint.
Le lendemain, nous sommes partis en direction du deuxième camp d’Auschwitz, appelé Auschwitz-Birkenau. Celui-ci a vu arriver et ne jamais repartir un million et demi de déportés. Cet espace immense et désolé fait prendre conscience de l’amplitude du crime nazi. L’humiliation vécue dans les camps était encore palpable, malgré la destruction des chambres à gaz et crématorium, la mort traîne encore son ombre glaçante…
Objectif : témoigner auprès de lycéens et collégiens
Il est difficile de réaliser ce qui s’est passé là-bas sans y être allé, ou tout du moins avoir vu des images. Notre but a donc été de mettre des mots sur des images et d’intervenir auprès de lycéens (peut-être de collégiens) avec comme support notre reportage. Nous sommes reconnaissants envers la Région et le mémorial de la Shoah qui ont permis ce voyage à la rencontre de l’indicible, mais aussi tout particulièrement envers notre professeur d’histoire Madame Charles qui s’est dévouée pour ce projet mais qui n’a pas pu partir, et envers Carine-Sophie Soncourt sans qui rien n’aurait été possible. Enfin, nous voudrions remercier tous ceux qui ont contribué au projet, de près ou de loin.
Alix, Farah, Maÿlis, Elie-Maroun, Guilhem et Thomas, élèves du Lycée Jean-Paul II Compiègne.