Vous êtes passionnée d’histoire, quelle est la période qui vous intéresse le plus ?

Ça peut sembler bizarre, mais c’est l’histoire de la Seconde Guerre mondiale, et particulièrement ce qui touche aux politiques répressives nazie et aux déportations. On a beau dire qu’il ne faut pas que ça se reproduise, rien ne dit que ça ne pourrait pas demain… et j’ai envie d’agir!

Depuis le lycée, vous êtes bénévole à la Coupole d’Helfaut à Saint-Omer et avez contribué au Livre des 9 000 déportés de France à Mittelbau-Dora. Pouvez-vous présenter ce travail ?

La Coupole est un musée dédié à la Seconde Guerre mondiale. Il s’agit d’un ancien bunker depuis lequel auraient dû être lancées les fusées V2 qui devaient détruire Londres. Ces fusées étaient assemblées au camp de Dora où ont été envoyés quelque 9 000 déportés de France, pour la plupart résistants, dont Jean-Pierre Catherine, le frère de Colette.
Laurent Thiery, historien à la Coupole, a coordonné le Livre des 9000 déportés de France à Mittelbau-Dora (un travail colossal de plus de vingt ans, publié au Cherche-Midi, ndlr) qui retrace l’histoire de chacun d’eux. J’ai beaucoup aimé y contribuer, ça m’a donné le goût de la recherche : trouver les infos, confronter les documents, les archives, recueillir des témoignages… c’est passionnant ! J’ai notamment rédigé la biographie de Jean-Pierre Catherine. C’est comme cela que j’ai participé en tant que sujet au documentaire.

Pouvez-vous nous parler de ce documentaire ?

L’objectif de ce documentaire était de retracer le parcours de Jean-Pierre Catherine, résistant arrêté à l’âge de 17 ans et déporté à Dora. La question de la transmission intergénérationnelle entre sa sœur Colette, 90 ans, et moi, lycéenne, est également très importante. Il s’agit de perpétuer la mémoire.

Comment s’est passée cette expérience hors du commun ?

C’était une superbe opportunité. Je n’avais jamais rencontré de témoin direct de cette époque, je n’avais jamais visité de camp de concentration et grâce à Colette, j’ai pu en plus compléter la notice biographique de Jean-Pierre, tout était lié !
Pour Colette aussi, la visite du camp de Dora était une première, elle avait toujours refusé d’y aller. Elle a accepté cette fois parce que j’avais travaillé sur l’histoire de son frère et qu’elle a cette volonté de transmission. Sur place, nous avons eu des moments très difficiles… J’avais le même âge que son frère à l’époque. C’était très fort et je dois dire que j’ai mis du temps à m’en remettre.
De son côté, même si le voyage a été difficile, Colette est contente que l’on parle de Jean-Pierre. En revenant d’Allemagne, nous avons posé un “Stolpersteine”, un pavé de la mémoire à son nom, devant leur maison d’enfance. Pour Colette, symboliquement, il est enfin rentré à la maison. Nous sommes toujours en contact toutes les deux. Elle me présente comme sa petite-fille, ce qui me touche beaucoup et je la considère comme une grand-mère.

Le documentaire a remporté le 25 avril un Oscar. Que change cette récompense exceptionnelle ?

À la fin du tournage, j’étais déjà heureuse de savoir que je me rendrais aux États-Unis pour la première du film. Mais évidemment, si on m’avait dit qu’on gagnerait un Oscar, je n’y aurais pas cru !
Toutefois, il y avait des signes : la 93e cérémonie des Oscars avait lieu le jour du 93e anniversaire de Colette, et qui plus est un 25 avril, journée nationale du souvenir des victimes et des héros de la déportation, ça ne s’invente pas !
D’un point de vue historique, je trouve très bien qu’on parle de ce film aux États-Unis, parce que tout est à nouveau lié. Lorsque le camp de Dora a été libéré, Wernher Von Braun, qui était le concepteur des fusées V2, s’est rendu aux américains et a ensuite largement contribué au programme Apollo pendant la guerre froide, c’est la face sombre de la conquête spatiale. D’autre part, trop d’américains ne connaissent pas l’histoire de la Seconde Guerre mondiale. Pour beaucoup, les camps sont un mythe, alors, montrer au moins ce qui reste des camps de concentration, c’est important !

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